Dans la jungle foisonnante du Rhum il n’est pas toujours facile de s’y retrouver ! Et pour l’amateur occasionnel, comprendre qu’est-ce qui distingue un Rhum Blanc d’un Rhum Vieux et un Rhum Paille d’un Rhum Ambré n’est pas forcément évident. Revue des forces en présence.
Un Rhum Blanc est tout simplement un Rhum non vieilli. C’est-à-dire un Rhum qui a été mis en bouteille sans passer par l’étape d’un élevage sous bois. N’oublions pas que tous les spiritueux sont parfaitement translucides à leur sortie de l’alambic. Tous, sans exception. Mais alors, pourquoi ne voit-on jamais de Cognac ou de Scotch Whisky blancs nous direz-vous ? Fins observateurs que vous êtes ! Tout simplement parce que les législations respectives de ces 2 spiritueux n’autorisent pas leur commercialisation sous leur forme non vieillie. Pourquoi donc ? Pour des raisons sanitaires qui remontent à plusieurs siècles en arrière. À une époque où les distillations approximatives étaient monnaie courante, certaines eaux-de-vie étaient d’authentiques poisons qui ne disaient pas leur nom. Notamment en raison de la présence importante de méthanol, molécule hautement toxique pour l’organisme. Imposer un passage minimum en fût pendant quelques années (2 ans pour le Cognac, 3 ans et 1 jour pour le Scotch Whisky) permettait au temps de faire son œuvre et au méthanol de s’évaporer et ainsi rendre le spiritueux consommable sans trop de risque.
Et le Rhum dans tout ça ?
Le cas du Rhum est bien différent. Et cela tient à la structure historique de son marché. En effet, contrairement aux 2 eaux-de-vie citées ci-dessus, Le Rhum n’était pas un alcool domestique, mais une boisson d’exportation. Ou d’importation, c’est selon. Les producteurs étaient bien souvent à des milliers de kilomètres de leurs consommateurs finaux. Le Rhum Blanc passait donc systématiquement de longs mois en mer dans des barriques pour rejoindre le gosier des amateurs avides d’exotisme spiritueux ! Et s’il quittait son lieu de naissance transparent comme de l’eau de roche, il arrivait coloré à destination ! La question de sa commercialisation sous forme blanche ou vieillie ne s’est donc jamais vraiment posée.
C’est là que la grande confusion commence. Bien souvent, la désignation « ambré » est employée comme un terme fourre-tout pour distinguer les Rhums colorés par le vieillissement par opposition aux Rhums Blancs. Mais la réalité est légèrement plus complexe que cela. Et bien que ce fameux terme n’entre dans aucune législation de production de Rhum, il est souvent employé dans la profession pour désigner des Rhums aux vieillissements courts. Et il en va de même pour « doré ». Adjectif tout à fait explicite, évocateur d’une coloration légère et brillante que l’on associe à un élevage limité dans le temps.
Le terme « paille » quant à lui s’inscrivait dans la même idée (toujours en rapport à la teinte de notre liquide), mais il est depuis quelques années maintenant, déposé comme une marque commerciale dont seuls ses propriétaires ont l’usage. Alors comment Diable nommer un Rhum de maturation courte et briller dans les salons grâce à un usage impeccable d’un terme techniquement exact ? Et vieillissement court, d’accord. Mais court comment ?! Voilà qu’arrive l’expression « Élevé Sous Bois » à la rescousse ! Grâce à la rigueur de nos producteurs ultra-marins (merci la Guadeloupe, merci la Martinique !) les choses sont claires. Au moins chez nous. En effet pour l’IG Guadeloupe comme pour l’AOC Martinique, un Rhum Élevé sous Bois est un Rhum ayant vieilli au moins 12 mois mais moins de 3 ans. Nous y voilà ! Notez cependant que cela n’est valable que pour les DOM-TOM. Les législations sur le Rhum changent en effet parfois drastiquement d’un pays à l’autre. Dans la Tradition Britannique, on parle bien souvent de « Gold Rum » pour désigner des eaux-de-vie de canne à sucre au vieillissement bref.
Là encore, le premier terme est flou et ne désigne aucune catégorie clairement définie. Sauf, car évidemment il faut une exception, dans l’IG Guadeloupe. Dans cette dernière, le « Rhum Brun » exige au moins 6 mois passés dans un contenant de chêne, mais c’est une désignation rarement utilisée, y compris par les producteurs de l’Île Papillon, alors ne vous encombrez pas outre mesure avec ce point. Retenez que l’expression « Rhum Brun » est, de la même façon que « Rhum Ambré », une expression du langage commun visant à séparer les Rhums vieillis des Rhums Blancs. Et si nous restons dans la Tradition Française, là encore, un Rhum Vieux est très clairement défini et exige 3 ans minimum en fûts pour bénéficier de ce titre. Les DOM-TOM vont même plus loin puisque leurs réglementations établissent plusieurs catégories au sein des Rhums Vieux. VO pour les Rhums d’au moins 3 ans de vieillissement ; VSOP ou Très Vieux à partir de 4 ans ; XO, Hors d’Âge ou encore Extra Vieux à partir de 6 ans.
Et dans le reste du Monde ?
Ailleurs, il nous faut faire du cas par cas. Dans la Tradition Britannique notamment, on préfère se tourner vers l’approche du compte d’âge. En cas d’assemblage de Rhums Vieux aux durées de vieillissement différents, c’est l’âge du composant le plus jeune qui est indiqué. Dans la Tradition Hispanique c’est plus flou. En effet, de nombreux producteurs apposent un compte d’âge qui est en réalité une moyenne d’âge. On trouve également l’utilisation du système solera qui biaisait le compte d’âge jusqu’à l’entrée en vigueur du règlement Européen 2019/787. Ce dernier ayant mis un terme aux usages flatteurs mais abusifs consistant à mettre en avant l’âge du composant le plus vieux de la solera. Une chose est sure, les exigences en matière de transparence vont croissantes. Ce qui emmènera très probablement les législations sur les comptes d’âge à encore évoluer dans les années à venir. Une évolution salutaire pour le consommateur !